Poésie:
50 ans
mon esquif est toujours à flot miraculeusement
lors que le plus grand nombre de mes frères humains
n’atteignent jamais cette latitude
emportés par le froid, la faim, la misère.
Je passe sidéré le détroit
Qui ouvre la géographie grise et inconnue de la vieillesse.
Aire de toutes les pertes, voie du naufrage inéluctable.
Triste reflet dans un miroir
De mon corps qui s’use et se défait.
Jeune femme qui passe et que j’aime
Qui ne me voit pas, formidablement.
Et quoi ! Doit-on pleurer du privilège inouï
De n’être déjà petit tas de poussière ?
Goûtons, amis, les nectars subtils de nos vendanges tardives,
Parcourons hardis cette ultime aventure.
Baignons ce présent infini qui résume nos vies
Des soleils tenaces de notre enfance.
Créons dans nos vieux pots les mille confitures
Qui réjouiront les cœurs des enfants effrayés.
Avant de m’endormir et de retourner
À cet état que j’ai déjà si longuement et plaisamment
Expérimenté, l’état d’avant mon existence,
Je te donnerai à toi, ô autre,
Les fleurs cueillies sur ma pente.
Vive la joie et la fraternité.